vendredi 16 décembre 2011

Comment les lémuriens finissent dans les assiettes



A Madagascar, l'érosion des rites traditionnels menace les lémuriens. Comment? Longtemps considéré comme le symbole intouchable de la Grande Ile, le lémurien est aujourd'hui ramené au rang de bout de viande.

Alors que les Malgaches vénéraient les primates, considérant les animaux comme les ancêtres de leur famille, l'afflux d'influences extérieures vient aujourd'hui briser ces rites traditionnels. La BBC rapporte que la protection du lémurien par les Malgaches est pourtant un sujet ancien et serait due à une légende. Cette légende, c’est celle d’un homme qui, à la recherche de miel dans la forêt, serait tombé d'un arbre. Avant qu'il ne touche le sol, il aurait été rattrapé par un Indri, une espèce de primate lémuriforme. Aussi, pour remercier l'animal, l'homme serait rentré à son village et aurait fait du lémurien un animal sacré, qu'il ne fallait pas chasser.

Mais cette légende paraît désormais très loin dans les mentalités malgaches. L'ONG malgache Madagasikara Voakajy et des chercheurs de l'Université de Bangor au pays de Galles ont mené une étude auprès de populations locales de l'est de l'île qui a prouvé que la chasse à des espèces menacées était en hausse. Selon ces chercheurs, l'augmentation de cette chasse illégale serait due au changement rapide de la société, à l'accroissement de la demande en viande et à la baisse des tabous traditionnels.

Julia Jones, chercheuse à l’Université de Bangor et co-auteur de cette étude l'explique à la BBC:

«Quand vous avez des influences de la mondialisation et de l'extérieur, les cultures traditionnelles sont brisées et changent plus vite».

Une cause de changement qui s’explique donc pour Julia Jones par l’afflux de personnes venant travailler dans les mines de la région.

«Ce changement peut s'expliquer par le fait que dans certaines des zones éloignées, dans les zones de forêts tropicales des régions de l’est de l’île, beaucoup de mines d'or légales ont surgit afin d’amener le plus de personnes dans la région.»

Face à cet afflux de main d’œuvre, —qui accroît de la même façon la demande en viande—, de nombreux petits restaurants de viande voient même le jour dans l’est de l’île.

Une hausse de cette chasse aux lémuriens que Julia Jones explique également par le problème de pauvreté auquel font face les habitants de la région. Même s’ils ne tiennent pas à chasser du lémurien, l’animal reste néanmoins la seule viande que les habitants puissent trouver.

«S'ils veulent manger de la viande, il y a peu d’autre animal comestible dans ces zones rurales. Les poulets souffrent de virus, d'infections et de maladies dans les zones de la forêt tropicale. Peu d’entre eux y survivent. Il ne reste donc pas beaucoup d’autres possibilités pour trouver des protéines animales».

L’étude, réalisée auprès de 1.154 foyers, montre que les habitants mangent tout de même en moyenne peu de viande. Sur une durée de trois jours, aucun repas ne contient de viande. Il n’empêche, sur ces mêmes 1.154 foyers interrogés, 95% d'entre eux admettent avoir déjà mangé une espèce protégée.

«Même s’ils ne sont pas cuisinés de façon intensive, manger ces animaux qui se reproduisent très lentement peut avoir un impact considérable à long terme» explique Julia Jones.

C’est le cas chez les lémuriens, puisque ce primate n’atteint l’âge adulte qu’à neuf ans et se reproduit très lentement en ayant une progéniture tous les deux ou trois ans seulement.