Les autorités de transition de Madagascar peinent à maîtriser l'exploitation illicite de bois précieux. Malgré un décret d'interdiction de coupe, de transport, de commercialisation et d'exportation de bois précieux en avril 2010, les exploitations des forêts continuent toujours.
A la mi-avril 2011, les responsables de la gendarmerie d'Antalaha, une localité située sur la côte nord-est de Madagascar, la région la plus touchée par le phénomène en 2009, viennent encore de saisir une trentaine de tonnes de bois de rose transportés par deux camions.
Mais, le trafic ne se limite plus à cette partie de la Grande Ile, le plus grand réservoir de bois de rose. Quelques jours plus tôt, trois autres camions transportant 115 rondins de cette essence ont été interpellés à Tolagnaro, dans le sud-est. Avant ce coup de filet, plus de 1.000 unités de bois de palissandre, une autre essence précieuse des forêts malgaches, ont été saisies dans la même région.
A Mahajanga, dans le nord-ouest, plus de 250 conteneurs de bois de palissandre, destinés à l'exportation, sont bloqués au Port depuis décembre 2010. "La plupart de ces bois proviennent de Mampikony", district situé à quelque 250 kilomètres au sud-est de Mahajanga, indique à IPS, Ndranto Razakamanarina, ingénieur forestier et président de l'Alliance Voahary Gasy, une plateforme d'organisations de la société civile oeuvrant pour la protection de l'environnement.
Ces mesures prises contre les conteneurs de bois de Mahajanga sont liées au décret interdisant la coupe, le transport, la commercialisation et l'exportation de bois précieux, pris par le gouvernement depuis avril 2010.
Mais "si aucune exportation n'est plus officiellement enregistrée depuis l'adoption du décret... alors qu'en 2009 (année du début de la crise politique malgache) et au premier trimestre de 2010, plus de 2.600 conteneurs ont quitté les ports malgaches; les exploitations illicites se poursuivent", souligne Razakamanarina.
Les exploitations "ne concernent plus uniquement le nord-est, mais s'étendent à tout Madagascar, et plus particulièrement la partie sud-est et le nord-ouest", ajoute-t-il. "Les braconniers continuent leur action illicite, espérant écouler leurs marchandises lorsque les exportations seront de nouveau autorisées".
Bernard Rakotondrainibe, directeur général adjoint de 'Madagascar National Parks', reconnaît que "le phénomène est maîtrisé sur certains sites comme Marojejy ou Masoala, grâce à l'implication des communautés de base" de ces deux localités faisant partie des forêts de l'est du pays, classées sur la liste du patrimoine mondial en péril par l'UNESCO en 2010. "Ce qui n'est pas le cas dans d'autres régions", explique-t-il à IPS.
A Antalaha, la gendarmerie se plaint d'un manque de moyens pour la surveillance. "Pour une circonscription qui couvre plus de 400 km de forêt, il y a à peine 70 éléments", confie à IPS, un officier de la gendarmerie sous couvert de l'anonymat.
Il souligne également l'insuffisance des dispositions légales au nombre de leurs difficultés. "Nous pourrions faire mieux compte tenu du nombre de personnes détenant des stocks de bois précieux, mais comme la détention de stock n'est pas interdite, nous nous contentons de traquer ceux qui transportent ou tentent d'en commercialiser", explique-t-il.
Un ingénieur forestier, membre de l'Alliance Voahary Gasy, signale que "n'ayant pas le droit de verbaliser, les citoyens doivent encore partir à la recherche d'une autorité judiciaire pour appréhender les braconniers qu'ils croisent. Entre-temps, ces derniers auront le temps de s'enfuir", ajoute-t-il à IPS sous anonymat.
Par ailleurs, "certains agents forestiers ont peur des représailles et des menaces", indique Razakamanarina, rappelant que depuis 2009, "trois services forestiers ont été incendiés", notamment à Antalaha, Fenoarivo Atsinanana (nord-est), et à Ambositra, dans le sud des Hautes terres centrales.
L'imprécision des dispositions légales est également utilisée comme prétexte par les opérateurs du secteur bois dans la région de Boeny, dans circonscription de Mampikony et la région de Mahajanga, pour réclamer l'autorisation d'embarquer leurs 250 conteneurs retenus au port.
"Le règlement n'interdit que l'exportation de bois brut, alors que les nôtres, déjà travaillés, sont des produits finis", ne cesse de marteler devant la presse Liva Rakotojaobelina, président du Groupement des exportateurs de bois de Boeny.
Mais au sujet des bois aux quatre faces rabotées et des pannes (pièces de bois horizontales) aux embouts pointus, le directeur général de la douane, Vola Dieudonné Razafindramiandra, réaffirme l'interdiction d'embarquement parce que "ces produits peuvent encore être transformés".
L'affaire bloque donc, entre les opérateurs et la douane, sur la définition de l'expression "produits finis".
"Nous devons attendre de connaître la quantité réelle des stocks de bois précieux dont nous disposons avant de décider de ce qui va en être fait", déclare le ministre de l'Environnement, le général Herilanto Raveloharison, ajoutant que "tant que le décret (d'interdiction) reste en vigueur, aucune commercialisation, sous quelle forme que ce soit, ne peut être faite".
Raveloharison a appelé les différentes autorités locales à "intensifier la lutte contre le trafic de bois précieux".
Et la ministre de la Justice, Christine Razanamahasoa, a convoqué les procureurs de la République des diverses juridictions de Madagascar pour leur "donner des indications pour plus de fermeté envers les trafiquants de bois de rose".
Selon Razakamanarina, "le gouvernement doit plus que jamais montrer sa volonté de lutter contre ce phénomène s'il compte obtenir l'appui de la communauté internationale". Depuis le début de la crise politique en 2009, les partenaires étrangers de Madagascar ont suspendu la plupart de leurs aides, dont celles destinées à la préservation de l'environnement.