Ces exportateurs, sous contrainte morale et financière vis-à-vis de leurs clients, employés et banques, ont ainsi résolu de saisir directement l’homme fort de la transition, M. Andry Rajoelina. Ils se disent navrés que le ministre des Finances, dans sa déclaration devant la presse le 12 février dernier, ait mal interprété les faits. Ainsi, les 49 conteneurs illicites découverts au port de Mahajanga n’appartiennent pas aux membres du GEBB comme l’a affirmé le ministre, mais à des délinquants dépourvus de toute pièce justificative. Et les 36 conteneurs saisis dernièrement par la douane ne se trouvent pas encore, non plus, dans l’enceinte du port. « Seuls les trois premiers conteneurs saisis et les 275 conteneurs qui n’ont pas encore été déclarés, suite à ces deux saisies successives, appartiennent à certains membres du groupement et sont au port de Mahajanga », précise-t-on dans la lettre.
Et ces exportateurs de solliciter le président : « Etant donné que nous avons toujours fait de notre mieux pour respecter les termes de nos engagements dans tout le processus de notre exploitation, Monsieur le Président, et que la traçabilité de toutes nos marchandises, depuis la coupe jusque-là est bien claire et que ces bois sont bien conformes aux conditions déterminées dans nos agréments, nous avons l’honneur de solliciter votre bienveillance de bien vouloir autoriser l’expédition de nos marchandises avant une éventuelle refonte desdits textes. » Car il s’agit bien ici d’une interprétation des textes : le ministère de l’Environnement autorise, et celui des Finances bloque. Sauf que des milliards risquent d’avoir été investis pour rien à cause d’une guéguerre entre ministères. Pour argumenter leur réclamation, la lettre du GEBB cite l’article 3 de l’arrêté interministériel n° 10.885/2007 : « On entend par produit fini, tout bois façonné, transformé pour une utilisation définitive (…), notamment : (2° point) les matériaux de construction (en gras dans le texte) tels que (…) bois de coffrage etc. (en gras), donc des poteaux, poutres, piliers…aussi, comme nos produits déclarés (éléments de kit maison et non kit maison) et objets de nos agréments respectifs, comme étant des bois de charpente, dénommés dans le jargon de la filière « bois dégauchis » (en gras) et qui ne nécessitent même pas rabotage ni finition (en souligné), selon les clients ; et le sixième point précise bien que ‘sont autorisés les bâtiments préfabriqués essentiellement en bois, par exemple : cabane en rondins (souligné et gras)…,’ ceci étant, par définition les rondins sont des bois bruts qui ne subissent aucune transformation, comme les bois de rose autorisés dernièrement, même si l’origine en était illicite. Nos produits ainsi transformés ou travaillés en poteaux, piliers et poutres sont seulement obtenus après la transformation des bois bruts en perdant jusqu’à 40% de leur volume.
D’après nos sources, l’arrêté interministériel en question, pris du temps de l’ancien président Ravalomanana, est à la base du conflit. Il s’agissait officiellement à l’époque d’apporter de la valeur ajoutée à l’exportation de bois, bien que les Malgaches qui exploitent la filière n’y aient rien gagné en définitive. Les milliards du Programme Environnemental n°3 (PE 3), qui ont été prêtés par la Banque Mondiale pour lutter notamment contre les feux de brousse, ont été détournés par l’ancien chef de l’Etat pour transporter « gratuitement » les milliers de pièces de bois saisis à Mahajanga, à son profit. Car il s’agissait d’approvisionner l’usine à bois familiale du côté de Manjakandriana, dans un contrat avec l’Etat avec surfacturation exorbitante au détriment de ce dernier, alors que le bois n’avait aucun prix de revient puisque saisi et transporté aux frais du PE 3. Selon des exploitants, ce genre de restrictions ne fait que favoriser la corruption, alors qu’elles ne sont pas en cours dans le cas de l’or des pierres précieuses, par exemple. En fait, selon toujours eux, si le classement des poutres, pannes, piliers etc. pose problème, pourquoi ne pas les taxer tout simplement comme des produits non travaillés ?
Bref, la balle est dans le camp d’Andry Rajoelina, pour dénouer un imbroglio qui trouve sa source du temps de Marc Ravalomanana. Notons pour conclure que, si étonnant que cela paraisse, les mêmes produits qui posent problème dans le port de Mahajanga seraient exportés sans problème dans ceux de Toamasina et d’Ehoala, à Fort Dauphin. Existerait-il plusieurs douanes ?