Henintsoa et Ranto, deux jeunes Malgaches, ont participé au programme de volontariat de WWF Madagascar et de l’océan indien. Une expérience faite de découvertes, de rencontres et de partages, de défis physiques et de challenges, d’entraide et de compréhension de l’autre, de surprises et d’émerveillements. C’est une expérience humaine, de celles qui changent une vie…
« C’est un tout autre Madagascar que je ne connaissais pas qui s’est ouvert à moi, grâce au volontariat. » D’emblée, Ranto, jeune volontaire, évoque ce que l’expérience du volontariat a été pour lui. « Bien que je sois Malgache et que je vive dans ce pays, je me suis rendu compte qu’il y a, à Madagascar, d’autres façons de vivre, de ressentir, de comprendre les choses qui sont très différentes des miennes ». Ranto a passé trois mois à Vondrozo, dans le sud-est de Madagascar. Il fait partie des volontaires accueillis par le WWF Madagascar en 2010. Ces jeunes, originaires du Mexique, des Etats-Unis, du Canada, de France, du Portugal, de Madagascar et de bien d’autres pays, passent trois mois sur le terrain, côtoyant les villageois et partageant leur quotidien.
Vivre avec les villageois
Parmi les tâches assignées aux volontaires du WWF, il est question de former les villageois sur les nouvelles pratiques sensibles à l’environnement. Ranto a ainsi participé à la formation des paysans à la construction d’un foyer écologique et à la fabrication du charbon propre. « Avec ce type de maison et ce type de charbon, les paysans utilisent moins de bois pour la construction et moins de bois de chauffe également. A mon avis, ces pratiques sont un point clé pour la conservation de l’environnement car elles réduisent sensiblement la pression des communautés sur les ressources forestières. »
La formation dispensée des volontaires permet aux villageois de prendre la réelle mesure de ces nouvelles méthodes. C’est à travers ces activités que Ranto et ses amis volontaires comprennent l’importance de leur rôle car si les changements de comportement ne sont pas immédiats, la présence des volontaires est stimulante pour les communautés qui les hébergent. « Les communautés de base ont apprécié que les volontaires se sont intéressés à eux. Cela a appuyé l’importance de l’enjeu de la conservation de l’environnement et donne aux villageois un sentiment d’être plus importants dans les rôles qu’ils jouent » commente Joël Raveloson, chef de projet de WWF à Ivohibe (2010), où d’autres volontaires se sont établis.
Défis, ouverture et compréhension
Pour les volontaires de l’environnement, envoyés dans des régions reculées et difficiles d’accès, c’est un engagement qui est aussi extrêmement physique. Henintsoa Ravoala, jeune Malgache vivant en France et volontaire de WWF à Ivohibe, raconte : « Pour moi qui ne suis pas habituée aux longues randonnées, cela a été un véritable défi physique car nous devions nous déplacer de villages en villages. Il a aussi fallu que je m’adapte à la nourriture locale, au climat, aux conditions de vie des gens. »
Leur expérience de volontariat a amené ces jeunes à comprendre les enjeux et la problématique de la conservation de l’environnement. Des enjeux importants, en particulier pour Madagascar où les projets de conservation doivent tenir compte des implications culturelles, sociales et économiques de leurs activités. « Je comprends aujourd’hui qu’il est particulièrement difficile de concilier les exigences économiques, la survie de tous les jours et les intérêts écologiques et environnementaux », commente Henintsoa. « Ces contradictions font que les changements sont très progressifs et que nous devons garder à l’esprit une perspective à long terme. »
Ce fut aussi, pour cette jeune Malgache expatriée, l’occasion de rassembler quelques pièces du puzzle de son identité malgache : « Cette expérience dans son entier m’a donné des éléments de compréhension sur la culture malgache et sur mon propre pays. » L’ouverture est aussi « transnationale ». Les volontaires découvrent d’autres cultures à travers leurs coéquipiers : américains, portugais, français, suisses, australiens, mexicains... Pendant trois mois, ils ont ainsi pu reconstituer le monde tel qu’il aurait pu être dans une autre vie : « Nous apprenons à être et vivre en équipe, à cause ou grâce à nos différences » résume Ranto. Il n’aurait pas pu trouver meilleure conclusion.
Dans le cadre de leur volontariat, Henintsoa et Ranto ont conçu une brochure et un circuit écotouristiques dans le corridor qui relie Fandriana et Vondrozo. Pour concevoir ce tracé, ils ont traversé le corridor forestier, visitant ainsi une dizaine de communautés le long de leur randonnée : « Avec l’aide des villageois, on a pu repérer les sites valorisables, l’emplacement des futures aires de campements et identifié les divers évènements locaux qui pourront agrémenter les découvertes culturelles des touristes » explique Henintsoa. Long de 120km, le circuit qu’ils ont proposé associe le culturel à l’environnemental, et va d’un circuit de base pour les randonneurs débutants ou moyens à un circuit de six jours, pour les grands passionnés. « C’est un projet qui sera bénéfique aux villageois. Ils y trouveront des possibilités d’améliorer leurs conditions de vie grâce à un tourisme rémunérateur et écologique. »
WWF - Le programme Explore, pour les jeunes « exploreurs »
En 2005, le WWF a lancé le Programme Explore qui permet aux jeunes du monde entier de travailler bénévolement au sein d’un projet WWF dans un pays en développement comme Madagascar, l’Inde, le Bhoutan, le Paraguay et le Pacifique du Sud. C’est un moyen pour les participants de prendre connaissance et de vivre eux-mêmes les réalités de la conservation dans un pays en développement. C’est aussi une imprégnation qui veut former la relève des environnementalistes et des écologistes et leur permettre de faire les liens indissociables entre la nature, les hommes, leurs cultures et leur vie quotidiennes. Le WWF Madagascar et Océan indien occidental accueillent depuis 2006 des jeunes « exploreurs » volontaires, âgés de 20 à 27 ans, originaires des quatre coins du monde. Madagascar reçoit quatre groupes de six volontaires chaque année.
Leurs missions
• Ils appuient l’amélioration des conditions de vies des communautés locales qui les accueillent en partageant techniques et connaissances, sur des thèmes importants comme la gestion des ressources naturelles locales,
• Ils apportent de nouvelles initiatives bénéfiques et adaptables aux réalités locales des activités sur terrain.
• Ils produisent au moins deux films pour servir d’outil de sensibilisation en versions malgache et française pour le projet d’accueil.
• Ils apportent assistance dans d’autres activités identifiées avec l’équipe du projet d’accueil.
Visitez le blog des volontaires : http://wwfexploremadagascar.blogspot.com
TÉMOIGNAGES
Confidences d’une volontaire
Alors que la plupart des jeunes Malgaches en France n’envisagent même pas de revenir ici à Madagascar en dehors des vacances habituelles au « pays », et encore moins de s’y établir, j’ai voulu faire un volontariat ici (…). Je connaissais déjà en partie cette hospitalité, cette gentillesse, cette générosité de la population malgache, la richesse de ce patrimoine culturel et environnemental. Mais c’est aussi et surtout mon pays, j’y suis née, je suis Malgache quoi qu’en pensent certains… Ce n’est pas le fait de parler malgache qui fait l’identité malgache (même si cela aide beaucoup à la communication) et encore moins le fait de manger du riz trois fois par jour, mais le sentiment d’appartenance. Et quand ces mêmes personnes auront compris les enjeux qu’il y a pour un jeune franco-malgache à parler malgache et la pression que cela peut créer sur lui (…), alors peut-être certains sauront-ils montrer plus de compréhension envers ces enfants d’immigrés. (…). Pour ma part, être Malgache et Française signifie avoir la chance de posséder deux cultures riches et de savoir concilier le meilleur des deux et non pas être perdue sans repère parce que pas vraiment Française et pas vraiment Malgache.
Alors, je comprends ces jeunes Malgaches de France qui sont sous-estimés par leurs propres compatriotes ici au pays, juste parce qu’ils ne parlent pas la langue malgache. Je comprends qu’ils ne se reconnaissent pas dans un certain état d’esprit propre à ceux « d’ici » et que « ici » ne les attire pas plus que cela, ou que ce manque d’intérêt des Malgaches d’ici pour connaître les réelles conditions de vie là-bas puisse les agacer. (…) Mais je pense aussi que certains nés ailleurs qu’ici ont oublié d’où venaient leurs parents, qu’ils ont la critique facile contre ceux restés ici et qui ne vivent absolument pas dans les mêmes conditions(…). Oui, ces mêmes immigrés et enfants d’immigrés ont aussi une vision qui peut être simpliste et pleine de préjugés.
Alors cultivons l’ouverture d’esprit. Et pour cela, et il n’y a rien de mieux que le voyage, l’échange culturel et le volontariat pour une cause et pour autrui. Vous en retirerez personnellement beaucoup plus que ce que vous en attendiez. Alors venez faire du volontariat (…) à Madagascar ou ailleurs, que vous soyez Malgache ou Vazaha, Malgache de France ou Malgache de Mada.
VIE SOCIALE
Quand le volontariat soutient les genres
Traditionnellement, la femme n’occupe pas la place prioritaire et de décision dans la société malgache. Si les activités des volontaires n’ont pas immédiatement bousculé ce schéma classique, elles ont tout de même suscité une prise de conscience chez les femmes. Henintsoa, volontaire à Vondrozo explique : « Les volontaires ont proposé aux femmes des formations sur une cuisine saine et équilibrée pour leurs familles. Nous leur avons partagé de bonnes pratiques pour améliorer leurs revenus : culture de légumes, formation d’associations ou de groupements, approvisionnements en semence. Elles étaient motivées et conscientes de leur possibilité. » Certaines formations dispensées par les volontaires, comme la construction du foyer écologique, n’ont pas manqué d’intéresser les mères de famille : « Elles s’y sont bien investies, car elles savaient qu’elles seraient les premières utilisatrices de ces foyers. » En diversifiant les bénéficiaires de leurs formations, les volontaires donnent plus de chances aux communautés de pérenniser leurs acquis. Mais lucide, Henintsoa a compris que les cibles les plus sûres sont le jeune et l’enfant :
« Je suggère que nous pensions à une manière de former les enfants le plus tôt possible. Ici, ils sont très nombreux et curieux. Ils apprennent vite et certaines choses pourront devenir des habitudes et des réflexes en grandissant. »