Machette en main pour s’ouvrir la voie, sangsues collées aux chaussettes, gouttes de sueur perlant sur l’échine, ils jouent les équilibristes sur les racines boueuses. S’enfoncent durant des jours dans les forêts de Madagascar. Campent parfois sous les pluies diluviennes qui s’abattent sur la Grande Ile; là-bas, il peut tomber 5 mètres de précipitations par an. Et sans relâche, lors de chaque périple, ces Indiana Jones de la botanique suisses se remettent en route, à la traque des plantes rares ou inconnues dans ces sombres sylves, les strates de verdure étant si riches et si denses que 90% de la lumière du ciel n’atteint pas le sol.
On dit de ces bois luxuriants, fragiles car ses organismes sont liés l’un à l’autre pour leur survie qu’ils constituent les plus belles forêts primaires de la planète. Un héritage de millions d’années d’évolution, à lire dans les feuilles des palétuviers. Un bijou naturel à préserver.
Depuis la fin du XIXe siècle, cette Arche de Noé organique, dont il ne reste que 10% de la surface boisée originelle (soit 59 000 km2), n’a cessé d’attirer les spécialistes du monde végétal. D’ici peu, l’équipe internationale à laquelle ont contribué ces aventuriers de la science helvétiques publiera le premier répertoire des plantes depuis le Catalogue de Madagascar du botaniste français Henri Perrier de La Bâthie, en 1939. Avec moult découvertes à la clé, dont des espèces, et même un nouveau genre. Une mine d’informations qui doit aider à prendre de vitesse le fléau dont souffre la Grande Ile: la déforestation.
Olivier Dessibourg sur Letemps.ch