Le marché du luxe attise la destruction des forêts malgaches, révèle un nouveau rapport présenté lors de la 10è Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (CBD) à Nagoya au Japon. L’appétit des consommateurs pour le mobilier et les instruments de musique en bois de rose onéreux est le principal moteur du commerce du bois illégal, activité dévastatrice sur le plan écologique, d’après un rapport publié par l’Environmental Investigation Agency (EIA) et Global Witness. Le rapport indique combien la perpétuation de ce commerce a été facilitée par la complicité de certains pouvoirs publics malgaches et la faiblesse de l’application des lois par le gouvernement de transition du pays.
« Les richesses naturelles de Madagascar sont exploitées à outrance afin de servir un réseau bien établi d’acheteurs internationaux », a déclaré Reiner Tegtmeyer de Global Witness. « C’est en octobre de l’année dernière que nous avons exposé la gravité de ce problème pour la première fois, mais ce pillage ne semble aucunement se ralentir ».
Depuis juin 2009, Global Witness et l’EIA sont chargées par Madagascar National Parks (MNP) d’enquêter sur la récolte et le commerce illégaux de l’ébène, du palissandre et du bois de rose, en forte augmentation depuis le coup d’État à Madagascar. Le nouveau rapport indique que la vaste majorité de ce bois est destinée au marché chinois du mobilier de luxe, de petites quantités étant exportées vers l’Europe et les États-Unis pour la fabrication d’instruments de musique.
Un lit en bois de rose vaut un million de dollars
« En Chine, les lits en bois de rose malgache se vendent un million de dollars la pièce alors que moins de 0,1 % des bénéfices parvient à la population locale », a précisé Alexander von Bismarck de l’EIA, notant que les enquêtes du groupe ont révélé que les négociants chinois avaient dans bien des cas conscience du fait que le bois qu’ils achetaient était illégal et menacé d’extinction. « Ces consommateurs pourraient-ils dormir sur leurs deux oreilles s’ils savaient toute la vérité sur leur lit ? »
Un décret promulgué début 2010 par le ministre malgache des Forêts a remis en vigueur une interdiction visant l’exportation de tous les bois précieux. Cependant, le rapport indique que, depuis, de nouvelles expéditions de bois ont quitté les ports malgaches, tandis que, dans les parcs, l’abattage se poursuit. En juillet dernier, l’UNESCO a placé les forêts humides de l’Atsinanana, le site le plus touché par l’abattage illégal, sur sa liste du patrimoine mondial en péril. L’UNESCO a également demandé instamment à Madagascar de « prendre toutes les mesures d’urgence nécessaires afin de faire appliquer le décret et de mettre un terme à toutes coupes illégales ».
La décision de l’UNESCO a par ailleurs encouragé des pays à « agir pour que le bois illégal provenant de Madagascar demeure interdit et qu’il ne puisse pas avoir accès à leurs marchés nationaux ». Ces propos faisaient écho à une décision adoptée par la CBD en 2008 qui a exhorté les parties à « prendre des mesures législatives et non législatives efficaces pour prévenir l’exploitation des ressources et produits forestiers en violation des lois nationales ».
Entretemps, à Madagascar, l’adoption de nouvelles mesures juridiques et d’application de la lois semble indiquer un véritable engagement du ministère des Forêts de s’engager à réduire la récolte et l’exportation de bois précieux. Madagascar a été formellement priée de faire contrôler ses activités commerciales par l’intermédiaire de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
« Nous saluons les dernières indications du gouvernement malgache », a déclaré Reiner Tegtmeyer. « Cependant, les expériences passées ont montré que de telles mesures sont souvent sapées par l’octroi des exonérations exceptionnelles et une mise en œuvre faible. Pour combler les lacunes, les gouvernements de tous les pays consommateurs de bois se doivent de suivre l’exemple des États-Unis et de prendre des mesures répressives à l’égard de l’importation du bois illégal ».
À l’issue du premier rapport conjoint publié par l’EIA et Global Witness, les autorités américaines ont ouvert une enquête en vertu de la Loi Lacey modifiée, qui interdit aux entreprises de commercialiser du bois d’origine illégale. Cette démarche, associée à une large campagne de sensibilisation menée par des groupes de la société civile et des scientifiques alarmés par la situation, s’est traduite par la quasi-disparition de la demande de bois de rose malgache aux États-Unis et en Europe.
Les deux organisations ont également demandé à la Chine de prendre sur-le-champ des mesures pour stopper les importations de bois de Madagascar et lancer l’adoption de politiques plus strictes s’appliquant à ses propres entreprises et négociants.
« La réaction de la Chine à ces conclusions sera cruciale pour la biodiversité de Madagascar. La Chine a une grande opportunité d’aider à l’élimination du commerce de bois illégal et de protéger la biodiversité », a conclu Alexander von Bismarck.
Recueilli par Valis (source ; www.eia-global.org et www.golbalwitness.org)