Eviter une catastrophe nationale sans utiliser plus d’espace de culture et sans détruire plus de forêt ? C’est le défi que devra relever Madagascar dans les années qui viennent. Sa population, actuellement estimée à 20 millions d’habitants, devrait en effet doubler d’ici 2025. Et il faudra nourrir tout ce monde, alors même que la malnutrition est déjà chose courante sur la Grande Île, et que les champs de riz forgent les paysages, gagnant de plus en plus sur les forêts.
Pour le WWF, la solution serait d’intensifier les cultures de riz pour fournir à chaque malgache les 120 kilos de riz qu’il ingurgite chaque année, tout en préservant la biodiversité. Le projet SRI (System of rice intensification) est actuellement testé par l’ONG à Ivohibe, petite ville de 40 000 habitants, située dans la région d’Atsinanana. D’après Patrick, cadre technique du WWF, le concept du SRI est très simple : « Il s’agit de planter les jeunes pousses de riz lorsqu’elles ont seulement deux feuilles. Mais le plus important est de mettre un seul plant dans chaque trou et de laisser 30 à 40 centimètres entre les plants. De cette manière, les pousses grandissent mieux et produisent plus de riz. Enfin, dernier conseil mais pas le moindre, il ne faut pas noyer les plants ; le riz n’est pas une plante aquatique ! ».
A Ivohibe, les fermiers « mpamboly vary » étaient au départ sceptiques, la méthode SRI étant très différente des pratiques traditionnelles, qui veulent que la plantation intervienne un mois entier après la germination des graines, que dans chaque trou soient plantés deux plants, et que les trous ne soient pas à plus de 10 cm l’un de l’autre. Mais la méthode commence à porter ses fruits. Ainsi, Philbert Randriamanantsoa, le président d’une association de producteurs de riz d’Ivohibe, vient de réaliser la première récolte de ses 12 hectares de riz « façon SRI » : « J’ai récolté 9 tonnes de riz à l’hectare, alors que selon les méthodes normales, le rendement maximum ne dépasse jamais les 2 tonnes », témoigne-t-il, indiquant que pour la prochaine saison, il laissera plus de surface à la méthode SRI, et espère un rendement de 14 tonnes à l’hectare.
Cet exemple, parmi d’autres, a fortement contribué à vaincre la méfiance tenace des producteurs à l’égard de cette nouvelle méthode. La méthode SRI est actuellement pratiquée par 37 producteurs à Ivohibe, et le personnel du WWF espère qu’elle fera encore des adeptes, et provoquera même « une avalanche, une révolution rizicole ».
Pour l’ONG, les impacts positifs du SRI sur l’environnement peuvent déjà être observés autour d’Ivohibe : la déforestation s’est ralentie, car les producteurs ont besoin de moins d’espace. Mieux, les gains entraînés par ce meilleur rendement leur permettent de monter des projets de reforestation. « Avec l’estomac plein, les gens peuvent aller de l’avant et penser à la préservation de leurs richesses », conclut l’ONG.
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